TEMOIGNAGE-PORTRAIT
: JULIEN PRAT
Julien
Prat, aujourd'hui graphiste chez un éditeur de contenu
pour téléphone portable nous accorde un peu
de son temps. Alors que 70% des français possèdent
un téléphone portable, la téléphonie
mobile est devenue un nouveau débouché pour
les créateurs de l'ordinateur. Une fois dépassés
les problèmes liés au support, les opérateurs
téléphoniques et les éditeurs de contenus
mobiles dépensent beaucoup pour proposer différents
services multimédias sur les téléphones
portables : magazines d'actualité, consultation météo,
horoscope, trafic automobile, horaires cinéma, théâtre,
téléchargement d'images, de sonneries, de jeux
et réception de mails. Un mini Internet utilisable
par les abonnés d'Orange (orange world), de Bouygues
(imode) ou de SFR (voda live) directement sur son téléphone.
Découvrons à qui ressemblent ces nouveaux créateurs
du téléphone.
Alice Douillard : PEUX-TU NOUS RÉSUMER TON PARCOURS?
Julien
Prat : J'ai passé un bac Arts Appliquées
dans une école où la technique et la maîtrise
de ces arts étaient examinées et durement notées,
c'était primordial et ce qui m'a posé un premier
rapport avec un travail assidu. Puis une licence d'Arts Plastiques
en 2001 dans une Fac d'où émanaient une ambiance
et une atmosphère magiques. Une ouverture d'esprits
formidable entre les professeurs et les élèves,
sauf dans les amphis avec des cours théoriques et un
lieu où la liberté faisait bon vivre : j'ai
un très bon souvenir de l'Escalier B face au soleil
5ème étage. Par contre je chasserai volontiers
les fantômes des amphis et des cours théoriques
par le doux rêve des grèves répétées
des étudiants à cette époque. Mon passage
à la fac fut certes intense dans mes réalisations
mais loin d'être un modèle de labeur. C'est l'année
d'après que je me spécialise avec des cours
du soir de modelages dans une formation de 3D en Game designer,
doublés d'une pratique assidue des jeux vidéo.
Puis une formation en graphiste PAO, conception et réalisation
visuelle me permet de rencontrer une équipe de travail
très soudée. Tous ensemble nous absorbions des
techniques inconnues à nos yeux, chacun avec son expérience
individuelle, et donc avec sa propre façon de voir
cet apprentissage et d'enrichir celle des autres. Pendant
tout ce temps passé à " l'école
", je me suis essayé à quelques créations
: - tapis contemporains en recherches graphiques et ordinatisées
-
des plaquettes de présentations pour différents
projets
- des couvertures
- des publicités
- des illustrations pour un journal indépendant : Indésens
(www.indesens.org),
ainsi que des travaux personnels chez moi, et ainsi naquit
mon Moi Travailleur!
A.D.
: TU ES AUJOURD'HUI GRAPHISTE SALARIE DANS UNE ENTREPRISE,
QUE FAIS-TU EXACTEMENT AU SEIN DE LA BOITE ?
J.P. : Je travaille sur du contenu destiné
à l'Internet de poche des
téléphones portables.
Je crée des interfaces de jeux (habillage des décors)
avec les autres
graphistes pour donner des aspects sympas aux contenus à
produire. Je fais
des fonds d'écrans et des animations téléchargeables
par l'utilisateur, des
publicités, des logos, des pages d'accueil graphiques
pour des sites ainsi
que des recherches de personnages humoristiques atypiques.
A.D.
: CE QUE TU FAIS POUR EUX EST COMMANDE, LES CONSIGNES SONT-ELLES
TRES STRICTES?
J.P.
: Je ne crée pas que des commandes, cela dépend
de la demande par
rapport aux licences signées avec les différents
produits nous intéressant.
Je peux créer des choses demandées donc plutôt
strictes suivant les contrats
en cours ou bien beaucoup plus libre si c'est créé
pour la boîte et par la
boîte, après rentre en compte les chartes graphiques
de chaque boulot.
A.D.
: QUELLE PART DE CREATIONS PERSONNELLES PAR RAPPORT AUX CREATIONS
COMMANDEES ?
J.P. : Dans la mesure où il faut rentabiliser
et respecter les contrats de licence,
la priorité va aux commandes. Mais il reste un peu
de temps pour la création
personnelle.
A.D.
: EXPLIQUE NOUS CE QU'EST UNE LICENCE ET EN QUOI CELA INFLUENCE
VOS CREATIONS?
J.P.
: Les téléphones sont devenus un accessoire
de mode que l'on peut
customiser en s'associant à des marques, des films,Š
qui nous correspondent.
Ainsi, les éditeurs de contenus négocient des
contrats de licence pour
obtenir le droit de décliner les différentes
possibilités que peut proposer
une licence. Ensuite les contenus que l'on propose aux
opérateurs de
téléphonie mobiles sont presque à coup
sur générateurs de revenus pour ces
derniers. L'utilisateur aujourd'hui est très
influencé par les médias et un
jeu portant le nom et reprenant le principe d'un dessin
animé ayant remporté
un certain succès engendrera plus de téléchargement
qu'un jeu inconnu. Une
licence riche en image et en son permet la création
d'images fixes ou
animées pour fond d'écran, de jeux, de
sonneries, de répondeurs
personnalisés. C'est le même principe que
les produits dérivés.
A.D. : TU NOUS PARLES DE DROIT, QUELS SONT LES
TIENS SUR CE QUE TU CREES ?
J.P. : Eh bien ou bien euh ? Je fabrique
pour une entreprise voulant avoir
un chiffre d'affaire exponentiel donc un travail sur une production
par le
biais de produits amusants et divertissants, ayant un aspect
attrayant et
original qui donne ainsi l'Envie aux consommateurs de se faire
plaisir et de
kiffer la vie !
Donc je suis corps et âme voué à mon Open
space de travail dans un team
plutôt agréable où l'ambiance du
travail est faite par des personnes
humaines et des esprits jeunes. C'est le travail, d'ailleurs
mon 1er emploi
à temps pleins dans ce monde qui marche à l'offre
et à la demande et aux
contrats et au haut débit ! J'avoue ne pas avoir
été très attentif au moment
de signer mon contrat. Je dirais que ce que je crée
au sein de la boite lui
appartient et qu'il me paye pour ça. Les soucis
qu'elle peut avoir par
rapport au droit se situent plus au niveau de ce qu'elle
achète (licence ou
contenu déjà existant) plutôt qu'au
niveau de ses salariés.
A.D.
: JUSTEMENT, AVANT D'ETRE ENGAGE COMME TECHNICIEN GRAPHISTE,
TU LEUR AS VENDU DES FONDS D'ECRAN, PLUSIEURS IMAGES FIXES
QUE TU AVAIS CREE SEUL. T'A-T-ON PROPOSE D'ETRE PAYE EN DROIT
D'AUTEUR?
J.P.
: Effectivement ils me proposaient un pourcentage
sur les
téléchargements, ce qui ne s'est pas révélé
intéressant d'un point de vue
financier.
Bien sûr, il y a pas mal d'argent derrière
tout ça. Un site de jeux coûte
entre 1 et 3 euros par mois à l'utilisateur selon
qu'il en télécharge un ou
plusieurs par mois. Et c'est le même prix pour
les sites d'images ou de
sonneries. Une commission sur chaque abonnement est gardée
par l'opérateur
et l'éditeur récupère le reste moins
la TVA et doit ensuite reversé des
droits d'auteur, à la jeune pour les sonneries
par exemple, ou à moi si
j'avais accepté la proposition.
A.D.
: FINALEMENT, L'UTILISATEUR PAYE ASSEZ CHER POUR UN TÉLÉCHARGEMENT
?
J.P.
: Oui et non, il faut évidemment ajouter le
coût du forfait qui est
plus important que celui basique restreint à la simple
utilisation du
téléphone. Mais ce qui est assez étonnant
c'est que la part de contenu
acheté sur imode, voda live ou orange world est minime
comparée à la part
acheté via SMS premium ou audiotel qui sont des services
coûtant beaucoup
plus chers.
A.D.
: REVENONS A TA REMUNERATION, COMMENT AS-TU ETE PAYE?
J.P.
: Il se trouve qu'on m'a acheté
mes dessins. J'étais content c'était ma
première diffusion dans le monde du travail.
A.D.
: SI TU AS VENDU TES DESSINS COMME TU AURAIS VENDU UN TABLEAU,
TU GARDES TOUS LES DROITS SUR CES CREATIONS ?
J.P.
: Non, le simple achat ne leur donnait pas le droit
de les diffuser et
de les proposer au téléchargement. Donc, il
y a signature d'un contrat, on
m'y demande notamment de ne pas aller chez la concurrence.
Chose on ne peut
plus normale !
A.D.
: EST CE QUE TON NOM APPARAIT QUELQUE PART POUR LES GENS QUI
VOIENT OU TELECHARGENT TES CREATIONS?
J.P.
: Non, mes fonds d'écrans s'inscrivent au
sein de la société, il y a
juste ma signature sur les dessins. Pour le reste c'est
souvent un travail
d'équipe, on ne peut pas tous signer.
A.D.
: EST-CE QUE ÇA TE PLAIT CE QUE TU FAIS?
J.P.
: Alors là quoi répondre à cette
question.Je te retourne la question ? Je sais, tu n'en sais
rien ! Eh bien, c'est vraiment très sympathique et
très stimulant de travailler dans le métier
que l'on aime. Toute la journée peut passer, toi, tu
t'éclates et tu es speeeed, mais tu t'éclates,
tu crées ! Je me sens assez utile dans ce travail,
où ma passion est mise à l'emploi. Le lieu est
très accueillant, que ce soit l'endroit en lui-même
ou les gens dedans ou la demoiselle de l'accueil ! |