Le Québec… Quelque part dans les étendues
boréales, des éditeurs sévissent. Loin
de l’Hexagone, de ses potins littéraires et de
sa préciosité (trop raffinés et querelleurs
les Français ? Peut-être, on va le voir plus loin
!), les publications francophones québécoises
résistent à la marée culturelle anglo-saxonne
qui déverse inlassablement sa prose peu shakespearienne
(sa fatalité shakespearienne ?) sur nos pauvres cousins
de la loi 101 (loi votée en août 1977 qui impose
le français comme langue officielle de la Belle Province
pour l’usage quotidien dans le monde des affaires, de
la santé, de la justice, de l’entreprise et de
la signalisation).
Mais foin des guerres linguistiques, la dernière polémique
du (petit) monde littéraire au Québec met en scène
un auteur français, Ludovic Hirtzmann, qui a publié
un guide pratique intitulé Vive la pige ! Guide pour
les journalistes indépendants (aux Éditions MultiMondes)
et qui utilise ce moyen, un ouvrage visi-
blement bourré d’erreurs factuelles d’après
ses détracteurs, pour régler des comptes avec
le petit monde des médias et de l’édition
du Québec. Nous reviendrons sur ce micro-tsunami journalistique
en fin d’article.
Un petit panorama des revues francophones en Amérique
du Nord
Fort de 7 millions d’habitants dont 75 à 80 %
de francophones, perdu dans le ROC (Rest Of Canada), le Québec
sait gâter sa population avide de lecture et malgré
le chiffre faramineux de près d’un million d’analphabètes
(d’après la dernière enquête alarmante
du gouver-nement publiée en février 2004), le
néophyte n’en revient toujours pas qu’il
y ait autant de diversité pour un si petit pays…
Mais, vous le savez, c’est dans les pays nordiques qu’on
lit le plus.
L’Islande détient la palme du nombre de revues
par tête de pipe ! Et ce n’est pas parce que l’hiver
dure cinq mois sous
25 centimètres de neige qu’on lit plus qu’ailleurs
au coin du feu ou dans
son pieu. Mais, que faire d’autre : la télé
locale est une véritable catastrophe. Essayez Télé
4 Saisons (TQS), jamais rien vu de pire !
Au Québec, il y a six ans, 52 % de la population de 15
ans et plus déclarait lire régulièrement
des livres. Mais, entre 1994 et 1999, cette moyenne québécoise
de lecteurs de livres de 15 ans et plus a chuté de près
de 5 %, passant de 56,9 % à 52 %.
Qu’en est-il en 2006 ? A-t-on encore perdu 5 % de lecteurs
de plus
au Québec ? Les chiffres ne sont pas encore connus.
Sans surprise, c’est dans la région de Montréal
que l’on trouve le plus grand pourcentage de personnes
déclarant lire régulièrement des livres
(58,6 %) ; viennent ensuite Laval (55,3 %), Québec (54,5
%) et la Montérégie (54,6 %).
Les plus faibles pourcentages sont enregistrés dans le
Nord-du-Québec (36,4 %), dans Chaudière-Appalaches
(38,6 %), au Saguenay-Lac-Saint-Jean (42,1 %), dans le Centre-du-Québec
(42,5 %) et dans la Côte-Nord (43,6 %).
Quelle est l’attitude des éditeurs de
revues québécoises envers les auteurs ou candidats
à la publication ?
Depuis que je suis ici, j’ai remarqué une certaine
courtoisie, un respect non feint et une recherche réelle
de la qualité sans tomber dans des travers " mode
" ou " chapelle ". Les revues littéraires
ou alternatives sont légion au Québec. Et cela
grâce aux subventions gouvernementales. On peut lire dans
l’ours de toutes ces publications : " Nous reconnaissons
l’aide financière accordée
par le gouvernement du Canada pour nos coûts d’envois
postaux et nos
coûts rédactionnels par l’entremise du
Programme d’aide aux publications et du Fonds du Canada
pour les magazines. " Politiquement, le fameux ROC tient
surtout à ce que les citoyens francophones ne soient
pas lésés et à faire croire que tout le
pays est bilingue coast-to-coast (de l’Atlantique au Pacifique).
Manifestement, il existe une " gourmandise " pour
tout ce qui vient du " vieux pays ", la France, et
en particulier pour l’écrit. Alors, pourquoi ne
pas tenter sa chance au Québec quand on est un auteur
hexagonal en manque de publication. Les " vrais français
de France " ont ici, bien malgré eux, une sorte
d’aura intellectuelle qui laisse parfois l’indul-gence
aller trop loin. Mais bon, il faut sélectionner le bon
grain de l’ivraie et distinguer les " maudits "
français des " crisses " de français
!
En effet, les revues québécoises font souvent
appel à la francophonie dans ce qu’elle a de plus
vaste, soit sa diversité géographique, ce qui
inclut la France, mais aussi le Vietnamou Djibouti ! Mais comme
ces revues ne sont que peu ou pas distribuées en Europe,
le public français n’est pas au courant de cette
demande spécifique. Ainsi la revue Jet d’Encre
dévoile son motto sous cette forme : " Nous ouvrons
nos pages aux auteurs de la francophonie. Les critères
de sélection sont la qualité littéraire
et l’originalité des textes soumis. Jet d’Encre
publie des nouvelles, des récits, de la poésie
et des essais. Les auteurs doivent joindre une courte notice
bibliographique (n.d.r. : cela laisse supposer que l’auteur
doit avoir déjà publié, non ?) " Si
vous voulez tenter votre chance avec eux, les thèmes
sont très variés et souvent audacieux : ‘Écriture
et trauma ‘, ‘Textes à saveur impertinente’,
‘ Hommes dévisageant des femmes’, etc."
Les revues littéraires québécoises sont
souvent très pointues, dédiées à
un genre très particulier et semblent imperméables
à tout autre domaine.
(Cf. encart )
À cette liste s’ajoute une multitude de revues
universitaires, de revues d’art souvent très élitistes,
des revues à vocation plus socioculturelle, des revues
plus axées sur la recherche, en particulier sur l’Histoire
du Québec, et un foisonnement de revues alternatives
qui ont la particularité d’apparaître et
de disparaître du marché de façon assez
dramatique et surprenante. Si les choix éditoriaux sont
audacieux, le graphisme et le design des revues sont aussi au
diapason. La
plupart d’entre elles innovent vraiment. Ainsi, le format
de Jet d’Encre est légèrement biseauté,
la revue Urbania a fait une couverture avec un adhésif
en Odorama placé sous les aisselles du maire de Montréal
pour son numéro spécial sur les odeurs, etc. Alors,
avant que les sirènes montréalaises ne vous séduisent,
sachez tout de même que le monde de la pige au Québec
est aussi impitoyable qu’ailleurs. Le guide du journaliste
français immigré au Québec Ludovic Hirtzmann,
Vive la pige ! aborde un panorama plutôt contrasté
épicé par sa réputation sulfureuse.
Un guide pour les pigistes québécois
écrit par un maudit français
Ludovic Hirtzmann, ancien administrateur de l’Association
des journalistes indépendants du Québec (AJIQ),
vient donc de déchaîner les passions à
Montréal. Son guide, Vive la pige ! est le premier du
genre au Québec depuis 1991. L’auteur y règle
ses comptes avec l’AJIQ et, comme le révèle
le mensuel Trente (la revue de la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec), il ne semble pas non plus
s’embarrasser du minimum d’éthique journalistique
pour guider ses lecteurs dans le monde sans foi ni loi de la
pige au Québec. Ainsi s’il surestime le coût
d’un feuillet pour l’hebdomadaire culturel Voir
(75 $ annoncés au lieu des 50 à 55 $ payés
en réalité), il essaie d’entacher la réputation
de quelques magazines honorables (Commerce, Affaires Plus) qui
seraient plutôt bons payeurs malgré les récriminations
de M. Hirtzmann.
Ce dernier invoque, pour la plupart des magazines et journaux
cités, une atmosphère rédactionnelle minée
par des guerres internes liées aux syndicats (fort puissants
au Québec, il faut le
rappeler), un discours très éloigné des
préoccupations quotidiennes des pigistes et une dérive
publicitaire qui entame largement la crédibilité
rédactionnelle et qui, si elle offre de l’argent
frais aux médias, n’est pas répercutée
sur les paies des pigistes. Cependant, selon l’enquête
de Trente et malgré les affirmations de l’auteur,
la plupart des ses " sources ", soit les rédacteurs
en chef de la plupart des magazines et journaux cités,
n’auraient jamais été interrogés
par Hirtzmann. D’où sort-il toutes les informations
de son guide pratique, si aucune enquête sérieuse
et à jour n’a été entreprise ? Malgré
les atermoiements de M. Hirtzmann, on peut mettre en doute sa
bonne foi. Ainsi, si il recommande à un moment aux pigistes
de se montrer le plus pos-sible au congrès annuel de
la Fédération des journalistes du Québec,
il écrit plus loin que c’est un congrès
où « se retrouvent principa-lement les journalistes
de Radio-Canada et de La Presse (le grand quotidien francophone
local) pour parler du vent qui souffle sur les écrans
de leurs ordinateurs. "
N’aurait-il pas noté que ce vent souffle aussi
sur le sien, sinon à travers son cerveau ?
J’espère que cette petite " saveur "
québécoise vous aura donné le goût
d’explorer davantage le monde éditorial de nos
cousins d’Amérique du Nord, et pourquoi pas, de
tenter votre chance auprès des revues ou éditeurs
locaux, en sachant toutefois que le meilleur des mondes de l’édition
n’existe peut-être pas pour les pigistes et aspirants
auteurs.
De Montréal, Bruno Bredoux
Pourquoi les éditeurs de revues québécoises
sont si mal connus dans l’Hexagone ?
" Certaines de nos marques québécoises se
sont développées en France et ont acquis une belle
notoriété. Ce capital de sympathie (cette "
notoriété ") assure à l’avance
un certain niveau de ventes qui se répètent année
après année.
D’autres " marques d’éditeurs ",
connues au Québec, auraient pu se développer en
France et jouiraient aujourd’hui d’un capital de
sympathie. Mais, elles ont préféré vendre
des droits et restent (encore aujourd’hui) anonymes en
France pour le grand public. "
Daniel Desjardins
Président de l’AELC (Association pour l’exportation
du livre canadien)
In L’exportation : une nécessité pour les
éditeurs québécois — Tiré
à Part n° 2, Montréal, juin 2004
LES REVUES QUEBECOISES
Voici une liste non exhaustive des principales revues
actives, ainsi que leur
domaine de prédilection. Vous devrez en face de
leur nom le site Internet quand il existe.
Alibis (mystère et suspens) : www.revue-alibis.com
;
Arcade (plutôt féministe) : www.arcade-au-feminin.com
;
·
Brèves Littéraires (tout est dit
!) ;
·Estuaire (poésie) : www.ecritsdesforges.com/estuaire/index.shtml
;
Exit (poésie, mais favorise les auteurs
" chevronnés ") : www.exit-poesie.com
;
Jet d’Encre (voir plus haut — cette
revue retient aussi l’attention grâce à
son format de trapèze fort astucieux) ; www.usherbrooke.ca/dlc/recherche/jet_dencre.
html ;
King 16 (" Psycho-trash-hardcore-billy-dub
"… tout est dit !) ;
Les Écrits (créée en 1954
— doyenne des revues littéraires du Québec)
;
Lettres Québécoises (l’équivalent
de " Lire " en mieux) ;
·
Liberté (beaucoup de dossiers thématiques)
: www.revueliberte.ca ;
·Lurelu (littérature jeunesse)
: www.lurelu.net ;
Moebius (nouvelles, poèmes, récits,
essais) : www.triptyque.qc.ca/f-moebius.html ;
Motel (Rock alternatif, porno, drogues, tattoos,
etc. - Dans le dernier numéro, j’ai noté
un article hilarant sur les " plushophiles ",
c’est-à-dire les gens qui entre-
tiennent une véritable relation amoureuse avec
leur animal en peluche. Ils expliquent même comment
nettoyer la pôvre bête après que la
relation sexuelle avec elle ait été consommée
!) — Revue bilingue (français et anglais)
;
NL (Night Life) : mouvements urbains actuels
;
Nuit Blanche (dossiers, entrevues) : www.nuitblanche.com
;
op45 (Le grand magazine du Montréal auquel on rêveTM)
: Parallèle 45 (pour qui n’aurait aucune
idée de la latitude de Montréal et qui n’aurait
ainsi pas déchiffré le titre) accueille
de nombreuses nouvelles et fictions (www.p45.ca) ;
Solaris (science-fiction et fantastique) : www.revue-solaris.com
;
Spirale (essais critiques, arts visuels, théâtre,
etc.) : www.spiralemagazine.com ;
Urbania (le chic intelligent !) : www.urbania.ca
;
Virages (nouvelles réalistes, fantastiques,
érotiques, étranges, etc.) : www.revuevirages.com
;
XYZ, La Revue de la Nouvelle (no comment) :
www.xyzedit.qc.ca.
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mis en ligne le 3 avril 2006